“En thérapie” : une série en analyse, séance 7

“En thérapie” : une série en analyse, séance 7

18/03/2021 0 Par Cinémathérapie

Hier, nous avons vu l’étape d’écriture de l’adaptation française de « En thérapie ».

Je vous propose aujourd’hui une troisième interview, de Prune, ex cadre de santé en psychiatrie, actuellement en reconversion professionnelle dans le développement personnel.

Je trouve intéressant de pouvoir avoir différents avis, positifs ou moins enthousiastes de spectateurs et spectatrices de cette série « En thérapie« .

Nous avons pu voir que Sandra et Marion étaient agréablement surprises, dès le début elles expliquent avoir accroché assez rapidement

Cependant, c’est moins le cas pour Prune, qui va nous expliquer qu’elle a pu être dérangée par certains côtés de cette série. Et ce notamment de par sa propre expérience professionnelle.


Bonjour Prune, bienvenue sur le blog de cinéma thérapie !

Nous sommes aujourd’hui ensemble pour parler à nouveau de « En thérapie », cette série qui connaît un franc succès sur Arte…

Tu as découvert cette série il n’y a pas longtemps c’est bien ça ?

Effectivement, je l’ai découvert vraiment très récemment, il y a peut-être 2 semaines à peine


Et comment en as-tu entendu parler ?

Plus ou moins fortuitement en fait…
Disons qu’un matin avec des amis de mon club de course à pied, il y a un qui m’a parlé de cette série, en me recommandant de la voir.

Parce qu’il me dit : « Écoute, moi je suis pas du tout du milieu et je trouve que vraiment cette série elle est hyper intéressante ! Elle est bien faite et si tu veux voir quelque chose pour passer un bon moment, et d’intéressant, je t’invite à la regarder ! »

Et du coup, j’ai été curieuse d’en savoir plus ! J’ai retenu ce qu’il m’a dit et en fait je suis tombée dessus un peu par hasard, le lendemain même je crois…


C’est-à-dire un peu par hasard ?

C’est-à-dire que je n’avais pas forcément prévu de la regarder ce soir-là.
Mais en fait en passant les chaînes, je vois « En thérapie » s’afficher et l’épisode qui commençait.
Je me suis dit que c’était l’occasion de regarder ce que ce dont on avait parlé cet ami.


Est-ce que tu connaissais les réalisateurs Tolédano et Nakache ?

Non honnêtement, non, je ne me rappelle plus…


Ce sont les réalisateurs des films « Intouchables », et « Hors norme » entre autres… Est-ce que tu retrouves leur style ?

Ah oui, alors oui, si, effectivement je retrouve le côté humain, spontané…c’est vrai dans les échanges et dans le dans le scénario…


Sur quel épisode es-tu tombée ce soir-là ? Qu’est-ce qui t’a plu au contraire déplu ?

Je suis arrivée sur un entretien en cours avec Mélanie Thierry et avec donc le psychanalyste, enfin le psychiatre…
Et j’ai compris qu’il y avait quelque chose entre eux, mais qu’elle lui disait en fait au revoir


Je me permets de relever que tu as hésité sur psychiatre et psychanalyste ?

Effectivement de par ma profession j’ai travaillé en psychiatrie pendant plusieurs années.
J’ai donc participé à des entretiens avec des psychiatres. Mais également avec un « Professeur psychanalyste » – il se faisait appeler comme ça – qui était venu exprès avoir des séances « particulières » avec des patients psychotiques


Particulières ?!

Oui… Le psychologue de l’hôpital psychiatrique avait souhaité faire venir ce professionnel pour démontrer l’intérêt de l’analyse dans le traitement de certaines maladies mentales…

Mais c’était particulier, parce que les séances étaient effectuées de façon collegiale

En tant que soignants on était conviés à assister collectivement à une séance entre un patient volontaire et ce psychanalyste…

Puis en fin de séance, le patient était raccompagné à sa chambre et on débriefait entre professionnels.

Mais, j’avoue que cela me faisait associer sur les fameuses démonstrations du 20éme siècle, à la Charcot ! (rires)


Ok, je comprends…
Et si on revient à « En thérapie » : est-ce que tu as vu des différences, des ressemblances entre ce que tu connais de par ton métier, et ce que tu as vu à l’écran ?


Alors oui et non. C’est ce qui fait que j’ai trouvé cette série intéressante,  sur les 4 épisodes que j’ai vu, mais que je n’ai pas envie de continuer à regarder honnêtement !

Parce qu’à la fois ça peut sembler assez réaliste, mais aussi trop romancé.
Du moins, c’est mon expérience personnelle et professionnelle.

Et puis, une fois chez moi, dans mon canapé, je n’ai plus envie d’être « au travail » ! (rires)


D’accord! Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus et peut-être du coup revenir sur ce qui t’a paru être intéressant ?

Ce que j’ai trouvé de ressemblant, c’est le déroulement de la séance globalementLe cadre plus ou moins, avec le divan, la possibilité d’un face à face, les séances à jour fixes etc.

Par contre, la posture de ce Docteur notamment face à ce que se permettent de faire les patients me semble trop éloignée de la réalité, trop caricaturale
Ce côté me gêne.

J’aurai d’ailleurs peur que ça renforce la vision plutôt clichée que les patients suivis en psychiatrie sont tous violents, agressifs…


Oui, je vois, alors qu’en effet la plupart s’ils sont agités, se font plutôt du mal à eux ! Du coup, tu ne recommanderais pas cette série ?

Quand même pas, je n’irai pas jusque-là je pense.

Si le téléspectateur est captivé, je trouve bien qu’il continue car il y a un intérêt à découvrir ce qu’il se passe dans des séances thérapeutiques.

Par contre, comme dit précédemment, ça manque de réalisme.
C’est vraiment rare que les patients se permettent d’être aussi expressifs, se montrent aussi vrais

Et puis, je trouve également peu fréquent la posture humble du psychiatre !


Intéressant cette notion d’humilité chez le praticien, peux-tu nous en dire un peu plus ?!

Disons que c’est praticien-dépendant. C’est intéressant de montrer ce professionnel qui doute, qui souffre, qui commet des erreurs… En ça, ça peut offrir une dimension d’humilité…

Mais, le psychiatre ne se permet pas d’être « proche » relationnellement avec son patient, pas comme Dayan en tout cas ! Surtout avec sa patiente !


C’est intéressant, d’avoir aussi ton point de vue professionnel en tout cas…
Tu disais avoir vu plusieurs épisodes, tu as donc pu découvrir différents patients.
Est-ce qu’il y en a un en particulier que tu as trouvé plus attachant qu’un autre ?


Oui, après avoir vu l’épisode de Mélanie Thierry, j’ai vu Adel qui vient en séance en étant très énervé. Je crois qu’il est jaloux au sujet de la patiente interprétée par Mélanie Thierry, j’ai oublié son prénom.

J’ai apprécié de voir une scène où le psychiatre, à la fin de cette séance, puisse parler à Adel de manière aussi authentique et vulnérable.
Même si j’ai pensé que c’était idéalisé, j’ai trouvé son positionnement, disons, étonnant, mais intéressant !


Comment expliques-tu le succès de cette série ?

À mon sens, il s’explique parce qu’il dévoile ce qu’il se passe dans le secret d’une séanceCe qui se joue dans ces échanges… Tellement intimes et chargés d’émotions, de conflit, d’amour et de haine.

Ce que j’ai trouvé de pertinent dans les épisodes que j’ai vu, c’est par contre de voir les effets de transfert et contre-transfert qui peuvent avoir lieu…

Que les gens peuvent mieux saisir ce qui peut se jouer, ressortir etc. Les lapsi et actes manqués aussi… Qu’ils peuvent s’identifier, y faire eux-mêmes, pour eux-mêmes plus attention etc.


Je me permets de relever que tu parles beaucoup de la psychiatrie.
Or, il me semble que ce praticien Dayan, se montre davantage en tant que psychanalyste que psychiatre ?

Alors oui, c’est juste que certains patients l’appellent « Docteur » et qu’il prescrit des médicaments, donc j’ai compris qu’il était psychiatre.

Mais, je te rejoins tout à fait sur le fait que ce qu’il pratique ressemble davantage à de la psychanalyse, qu’à de la psychiatrie « classique, pure et dure ».
En tout cas, de ce qu’on peut se représenter d’un psychiatre…

Pourtant, dans ma pratique j’ai aussi rencontré plusieurs professionnels qui avaient les deux casquettes et qui donc ne faisaient pas que médicamenter leur patientèle…

Je trouve que cette série en fait elle vulgarise aussi cette pratique de la thérapie, de l’analyse qui peut être un peu obscure, mal comprise par le grand public, et parfois franchement dénigrée !


Donc tu trouves qu’elle peut aussi apporter quelque chose aux gens qui comme ton ami qui te l’a recommandée n’y connaissent « rien » ?

Elle apporte peut-être l’envie d’en savoir plus, sur les différence entre la psychanalyse, la psychiatrie, la psychologie etc. Sur les motifs de consultation, le déroulé d’une séance, quels troubles justifierait qu’on aille voir un psy etc.

Donc je trouve que en ça « En thérapie » peut apporter un plus pour le grand public.

Par contre, je me répète mais elle montre une temporalité, un enchainement des séances qui à mon goût est très idéalisé !

Par ailleurs, de ce que j’ai vu dans ma pratique, le psy souvent garde une posture qui incarne malgré tout « celui qui sait » !

Or, dans cette série je trouve que ce qui ressort n’est pas cette position de « pouvoir ».
D’ailleurs, Dayan semble plutôt « subir » les assauts de ses patients qu’ils soient de fureur ou amoureux !
On remarque qu’il adopte une posture plutôt basse

Après, c’est pertinent aussi de le montrer « humain », ayant ses propres fragilités etc. En tout cas on est loin de la figure du « médecin tout puissant » !
Il semble parfois clairement « dépassé » !


Oui je vois, en effet Dayan n’est pas à proprement parler un « psychiatre- psychanalyste-type » !
Une séance en particulier a retenu ton attention ?

La dernière séance oui que j’ai pu voir m’a marquée parce qu’elle mettait en scène Dayan et son épouse chez une collègue de Dayan.

J’ai pris la série en cours donc je n’ai pas tous les antécédents

Cependant, j’ai compris qu’ils étaient en conflit, mais que son épouse souhaitait se réconcilier et qu’ils allaient donc voir « Esther » incarnée par Carole Bouquet.

Mais, de ce que j’ai compris Esther est en fait une collègue proche de Dayan !

J’avoue que là je trouve ça vraiment surréaliste sur un plan éthique !
Qu’un analyste consulte sa consoeur en lui demandant de rester suffisamment impartiale et objective pour dénouer un conflit de couple alors qu’ils se connaissent tous personnellement

Là, c’était un peu trop pour moi ! Ca m’aurait presque agacée !

Mais pour conclure, je dirais que c’est quand même surement une jolie fiction qui permet de découvrir ce qui se passe dans ces séances intimistes de psychanalyse .


Je remarque que tu évoques beaucoup la notion de fiction et de réalisme
Qu’est-ce qui te dérange dans le fait que la série puisse donner une image romancée d’un parcours thérapeutique ?


Ce qui me dérange c’est que dans la réalité, les résultats ne sont pas si visibles, du moins pas aussi rapidement !

Parce que le psychisme humaine est complexe…


Un travail sur soi, d’introspection c’est long et coûteux

Surtout si la personne souffre d’un trouble psychiatrique… Malgré l’aide psychothérapeutique qu’elle peut recevoir, au final elle peut aussi n’obtenir un mieux-être à mon avis qui peut être « relatif ».

J’aurai crainte que ça donne de faux espoirs, une image idyllique, presque magique
Que les gens ne saisissent pas qu’il s’agit d’un démarche impliquante, dont on ne connaît pas toujours l’issue
Qui peut dérouter, soulever de nouvelles souffrances etc.

Mais dans un sens si ça peut permettre à certains de sauter le pas, d’encourager les gens à aller consulter etc. c’est une bonne chose c’est sûr !

Cet article s’inscrit dans le défi “Objectif Mars

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Hâte de lire vos retours !

Et…

demain cher-e-s spect’ACTEURS et spect’ACTRICES !

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