Cinéthérapie et voyages existentiels

Cinéthérapie et voyages existentiels

27/06/2020 4 Par Cinémathérapie

Interview 1 – Isabelle :

Du Japon à la Pologne,
de la mort à la Vie


Isabelle nous parle de :

 » C’est un film qui m’a fait beaucoup de bien ! « 

affiche film La Communion 2020 une jeune prêtre polonais exalté, célébrant une messe
La Communion (Jan Komasa, 2020)

 » C’est un film sur la question de l ‘Amour avec un grand A… « 


Cliquez sur play pour écouter l’interview d’Isabelle

N’HESITEZ PAS A MONTER LE VOLUME,
LE SON EST TRES BAS (souci technique)


Cinémathérapie : mise en images de notre intériorité ?

… Pologne et Japon
… en rouge et blanc

Bonjour et bienvenue pour cette première interview sur cinéma thérapie !
Ravie de t’accueillir ! Merci d’avoir accepté de relever ce défi de lancement de blog « Ciné, ma thérapie » avec moi !
Alors je vais peut-être te laisser te présenter en quelques mots, nous dire un petit peu qui tu es qu’est-ce que tu fais comme métier..

– D’accord, et bien déjà, bonjour Julie ! Merci aussi de me proposer de discuter avec toi à propos de la création de ton blog.. Je suis un petit peu impressionnée d’être la première personne !

Voilà, donc, je m’appelle Isabelle, j’ai 56 ans… Professionnellement, je suis conseillère conjugale et familiale, et formatrice à destination d’assistantes maternelles. Et puis dans ma vie personnelle, je suis mariée et j’ai 4 enfants.


Ok très bien merci ! Alors, nous sommes ici pour parler de cinéma thérapie évidemment, voir un petit peu avec toi ce que tu connais de ce concept…

Est-ce que tu as déjà entendu parler de cinéma thérapie ? Si oui à quelle occasion, et puis sinon, qu’est-ce que ça peut t’évoquer là comme ça ?

– Alors, non, je ne connaissais absolument pas la cinéma thérapie… Mais c’est vrai qu’à l’évocation de ce terme, ce qui m’est venu tout de suite c’est la dimension d’art-thérapie

Je me suis d’ailleurs demandée à ce propos comment c’était possible que je n’ai pas entendu parler de ce concept avant, de cette proposition d’accompagnement thérapeutique, parce que quand Julie m’en a parlé, ça m’a paru évident !

Et en même temps, je ne connaissais absolument pas ce concept-là… C’est vrai que ça me paraît vraiment être un support très intéressant à l’échange, à l’évocation peut-être, un peu plus… comment dire ? Emotionnelle de notre intériorité, de ce qui vient nous poser problème…

Donc, je trouve que c’est un super projet !
Et je suis impatiente d’être aussi à l’écoute, à partir de ce blog, des échanges qu’il pourra permettre avec ce support-là, de l’image et du cinéma


Et bien déjà, merci pour tes encouragements !
Sinon, au niveau justement de l’emploi du film comme support thérapeutique, qu’est-ce que tu en penses toi ?
Et peut-être toi plus personnellement, dans ton rapport au cinéma, qu’est-ce que tu peux nous en dire ? Est-ce que ça te parle, justement, l’idée d’utiliser des films comme support thérapeutique ?

– Alors moi je trouve que c’est cette idée-là, elle peut être puissante !

Cette idée que quand on est dans une posture de spectateur, on est peut-être moins face à ses propres barrières, ses propres freins pour évoquer des points, qui seraient peut-être des points un peu plus douloureux de notre histoire, de notre vécu.

Le film c’est donc facilitateur, à mon avis, de parole…

C’est aussi une manière de travailler tout ce qui est projectif dans notre vie… Même si la plupart du temps, quand on sort d’un film et qu’on a vu certaines images, on n’est pas absolument en capacité d’en porter une analyse plus distanciée

Néanmoins, on va forcément s’identifier à certains personnages… Ça me paraît être une mécanique simple.
Et en même temps, ça nous traverse sans qu’on en soit vraiment conscient; et c’est aussi pour cette raison-là que c’est vraiment, à mon avis, une source très riche pour travailler justement toute notre intériorité


Premières rencontres : le cinéma, le Monde, l’adolescence …

Par rapport à toi ton rapport au cinéma qu’est-ce que tu peux nous en dire ?
Est-ce que par exemple tu te rappelles du premier film que tu as vu ?
Est-ce que tu peux éventuellement partager avec nous
les films qui t’ont le plus marquée ?
Et puis, nous en dire un peu plus du pourquoi tel ou tel film ?
Peut-être nous citer quelques-uns de tes films préférés, nous expliquer pourquoi et en quoi ils ont été inspirants, moteurs de changement…

– Alors les premiers films que j’ai pu voir, ça, ça me replonge un peu dans mon enfance.. Mon père nous emmenait régulièrement voir « Connaissance du monde », donc le film c’était vraiment l’ouverture sur le monde

Et puis ensuite, je dirais qu’adolescente, les films c’étaient surtout le film à la télévision… Et c’était, de toute évidence à ce moment-là de ma vie, un moyen de fuir une réalité…
J’ai en même temps pu faire l’expérience assez tôt du film comme support à la connaissance, à l’ouverture, mais aussi comme moyen de se protéger, de se couper du réel
Il y avait je pense, comme un peu une conversation entre le réel que je ne connaissais pas, et le réel que je connaissais, mais que je voulais fuir… Il y avait ces deux aspects-là que j’ai pu expérimenter quand j’étais plus jeune.

Et le premier film que j’ai vu au cinéma c’était « A nous les petites anglaises » !
Voilà, donc ça c’était vraiment le film de l’adolescence ! J’en garde un souvenir vraiment bouleversant !

Je m’étais vraiment dis à ce moment-là, que ce serait jamais possible que ce soit ma réalité à moi… C’était du rêve ! Mais c’était vraiment une bleuette !

Donc voilà, tous ces films qu’on voyait quand on était adolescents quoi, comme « Love story »… Beaucoup de trucs autour des histoires d’amour !

Et ça voilà c’était les premiers souvenirs de film que je suis allée voir seule


« Departures » : voyages entre vies, amours, et morts

Ok, donc justement par rapport à ces films que tu as pu citer, et qui t’ont marquée, est-ce que il y en aurait, là particulièrement dans ton parcours cinématographique, qui t’auraient plus inspirée ?
Ou comme j’ai dit tout à l’heure, bouleversée ?

Est ce que tu pourrais nous en dire plus sur un film, peut-être un peu plus récent ? Là, tu évoquais des choses de l’ordre de l’enfance…
En tant qu’adulte, est-ce qu’il y aurait aussi des films qui t’ont permis de cheminer ?

– Alors il y en a un certain nombre, comme j’imagine tout en chacun…

Mais c’est vrai que j’avais envie d’évoquer pour cette interview, un film de 2009 qui s’appelle « Departures« , qui est un film qui m’a profondément marquée

C’est un film que j’ai vu, à un moment donné de ma vie où j’avais traversé une maladie grave, qui m’avait confrontée à la question de la mort… Et ce film m’a fait un bien fou !

Ca a été une vraie surprise, parce que c’est une thématique a priori compliquée, douloureuse…

Il s’agit dans ce film d’un jeune violoncelliste, qui se retrouve en fait licencié après 10 ans de son orchestre… ( cliquez ici pour visionner une vidéo de Celloscope, magazine du violoncelle au cinéma, qui analyse des extraits de Departures ! )

empreintes de pieds en galets

Et il retourne dans son village, dans le village de son enfance…
Il cherche un travail et se retrouve embauché par, ce qu’on appellerait en France, un croque-mort
Alors je n’ai pas précisé, mais ça se passe au Japon ! Et il se retrouve dans un univers totalement inconnu de lui

Et ce film a généré en moi vraiment d’abord une expérience, parce que je pense qu’un film, c’est avant tout une expérience

Mais l’expérience de la mort

Mais surtout de la vie, ce que la vie signifie notamment en termes de filiation, puisque un lien très fort qui va se tisser entre ces deux hommes d’univers très différents… Dans cette dimension de la transmission

La mort au cinéma : redonner vie par les images


Et puis c’est un film qui ouvre beaucoup sur la question du rituel, du rituel de mort…
Qui va être au Japon très codifié, je suppose plus codifié qu’ici en France, ou en tout cas de ce que je connais.
C’est un film vraiment très puissant sur toute la dimension du rituel et de sa fonction, du rituel comme étant facilitateur de ce passage entre la vie et la mort

J’ai trouvé ce film aussi vraiment très esthétique, surtout les gestes…
C’est une caméra extraordinaire qui montre tous les petits détails du soin, du soin au mort

Et, j’ai trouvé ça vraiment… vraiment très beau ! D’en parler ça me met un peu d’émotion !

Parce que c’est c’est une manière de rentrer dans l’intime, sans être jamais intrusif, alors que c’est vraiment un rapport au corps, au corps du mort.

deuil prières

Ça aussi, je trouve que c’est très très loin de toutes les angoisses et terreurs que l’on peut avoir quand on est soi-même, confronté à la question, notamment du corps qui pourrit, de la disparition…

Ce film montre toute cette incarnation du corps du mort. Il montre ce qu’on ne montre pas à l’image généralement.

Enfin, moi, je n’avais jamais vu de travail de toilette par exemple…

Je trouve que c’était un film vraiment très important parce qu’il nous emmène dans toute cette métaphysique de la vie et de la mort.

Mais aussi sur un chemin que moi je n’avais pas encore connu jusque-là, et qui fut une véritable découverte ! Et qui m’a fait beaucoup de bien !

Parallèlement à cette histoire, de ce jeune homme violoncelliste qui devient embaumeur, il y a aussi une histoire d’amour avec sa compagne

Donc il y a aussi toute la trame de l’histoire personnelle de ce jeune homme, qui vient le ramener à quelque chose qu’on pourrait appeler l’essentiel : à savoir se recentrer sur soi

Et tout ça, vectorisé par la musique et la nature !
(cliquer ici pour la BO sur Spotify)

Tout est là ! Regardez cet extrait du film !

Et ça, je pense que ce sont des grands standards de la culture japonaise : le rapport au monde, au cosmos

C’est un film que je recommanderais vraiment vivement !

Par contre, je ne me rappelle pas quel est l’auteur de ce film !

Mais, de toute façon on vous mettra les références pour ceux qui sont intéressés de voir ce film…
Je l’ai également vu et je l’ai beaucoup apprécié en effet !


« La Communion » : une foi au-delà des croyances

Est-ce que tu aurais là comme ça, un autre film à nous partager ? Qui pourrait exprimer un petit peu les possibilités qu’offre le cinéma, en terme de changements, de la vision du monde qui nous entoure, des gens…
Sur des thématiques un peu plus compliquées, où parfois on peut voir des a priori, des préjugés…
Un autre film peut-être plus récent ? Peut-être le dernier film que tu as vu ?

– Alors, ça ne doit pas être le dernier, mais l’un des derniers que j’ai vus, et qui s’appelle « La communion »…

paysage pologne

C’est un film polonais sur l’histoire d’un jeune homme qui, on l’apprend au fur à mesure que le film se déroule, a commis un crime et qui est incarcéré…
Et qui, dans le cadre de son incarcération, va se lier à un prêtre qui accompagne ce groupe de jeunes, qu’on appellerait « délinquants »…
Il obtient la possibilité de sortir de prison, avec ce qu’on pourrait appeler en France des « travaux d’intérêt généraux ».
Et, il se retrouve à travailler dans une menuiserie, dans un tout petit village au fin fond de la Pologne…
Puis, par un concours de circonstances, il usurpe la place d’un curé, qui est attendu dans ce village pour remplacer le précédent qui est décédé.

forêt pologne

Et non pas la croyance, mais la foi… Et comment cette foi va permettre à toute la population du village, qui a vécu un traumatisme important, de se ressouder, autour du lien humain

Enfin, c’est un film extraordinaire sur comment la foi peut permettre de s’apaiser, de retisser du lien, de sortir de la haine

Et alors… je ne sais pas si je vais raconter plus précisément le film, mais, en tout cas, c’est un film totalement extraordinaire sur la foi !

Un film, on va dire, assez grandiose sur la question de l’amour avec un grand A ! Et qui est porté par un acteur absolument merveilleux !

Et film très fort, d’autant qu’il est en Pologne, et qu’on sait à quel point le poids de la religion y est terrifiant, et porté par cette population qui finalement va être, de ce que moi je sais de la Pologne, très repliée sur elle-même…

D’un pays qui ferme ses frontières… Qui, du fait d’une religion, limite l’accès à la contraception, revisite la question du droit à l’IVG…

Bref une société qui paraît se déshumaniser !

Et là, pour le coup c’est une véritable critique de ce que c’est que la croyance, la foi, et en ce sens, c’est un film à voir, je dirais, de toute urgence ! En tout cas je le recommanderais très vivement !

Ok, ben écoute, je n’ai pas vu le film, mais la façon dont tu as d’en parler me donne effectivement envie d’en savoir plus !


« Lecteur et acteur », le blog comme lieu d’échanges et d’expression

Voilà, on arrive à la fin de l’interview : est-ce que tu aurais des choses à rajouter ?
Par exemple, est-ce qu’il y aurait des thèmes que tu aurais envie de lire sur le blog ?
Est-ce qu’il y a quelque chose qui te tiendrait à cœur et que tu trouverais important de rajouter ?
Y compris un autre film que tu aurais envie d’évoquer ?

Bref, je te laisse terminer !

– Alors, moi j’attends de ce blog de pouvoir accéder peut-être à des témoignages, concernant des films
Et à partir de ces témoignages qu’on puisse faire des liens, qu’il puisse y avoir notamment des références psychologiques mais pas que, sociologiques, politiques

Que ce blog puisse nourrir et continuer d’alimenter toutes les questions que peut susciter un film
Ça, je trouverais que ça serait vraiment chouette, que les personnes puissent aussi y trouver, ou y apporter des références supplémentaires

Tout en sachant ce qui serait peut-être le cœur de ce blog, ce sont nos ressentis, nos émotions
Et qu’au-delà de la question des références, ça puisse être un lieu d’expression de tout ce qu’un film vient retravailler en nous

En tout cas, je remercie vraiment Julie de faire ce blog, parce que je trouve que c’est vraiment une idée très belle !
Et qui, à mon avis, pourra apporter beaucoup aux personnes qui le liront, et qui l’alimenteront !

– Et bien, très bien, merci ! C’est ce qu’on espère aussi !
Merci Isabelle encore de ta participation ! Au plaisir !

clap cinéma noir et blanc

Et puis, j’en profite pour rappeler notre devise :
« Soyons spect’ACTEUR de notre vie ! »

POUR PASSER A L’ACTION :

Connaissance du Monde : Regardez quelques photos-souvenirs de vacances, de voyages…
Rappelez-vous de belles rencontres que vous avez pu faire, de paysages magiques que vous avez pu admirer, d’a priori que vous avez su dépasser…

A nous les petites Anglaises, Love Story : Méditer quelques instants sur votre vision de l’amour…
– Comment a-t-elle évolué depuis vos premières fois ?
– Avez-vous encore des peurs à dépasser, des blessures, des regrets ? Des choses à pardonner ?
– A vous faire pardonner ?!

Departures : Prenez quelques instants pour revenir à votre respiration, à votre corps, à vos sens…
– Que ressentez-vous à cet instant ?
– Quelles pensées vous traversent ?
– Qu’est-ce que cela vous fait d’être vivant-e ?

Et pourquoi pas faire comme le héros dans ce film, à qui son père a offert un « cailloux symbolique », en guise de lettre ?

Offrez un galet, une pierre, pour donner de vos nouvelles au destinataire ; en la prenant en main, à lui de ressentir « intuitivement » vos états d’âme …
(Plus poétique qu’un « snap » non ?! 😉 )


La Communion :
– Quelle place tient la « métaphysique » dans votre vie ?
– Quelles différences feriez-vous entre la foi et la croyance ? La conviction et la certitude ? La religion et la spiritualité ?


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