“En thérapie” : une série en analyse, séance 16
Interview portrait d’une adolescente, Camille par Tiphaine
Hier, j’ai publié le dernier podcast de la session « 3 livres qui ont marqué mon parcours de cinémathérapie ». Le livre présenté était celui de Rick HANSON, « Le cerveau du bonheur ».
C’est qu’il s’en fait des films notre cerveau ! Parfois pour notre plus grande joie, mais parfois pour notre malheur…
L’adolescence est une période haute en couleurs, mais également où notre avis et ressenti est souvent en tout noir/tout blanc !
J’ai choisi aujourd’hui de vous proposer une ultime interview sur la série de « En thérapie« .
Aussi, écoutons Tiphaine nous parler de son identification à Camille, et comment cela lui a permis de revisiter sa propre adolescence…
C’est là tout l’intérêt du processus cinéthérapeutique !
Cliquez ici pour accéder au portrait de Camille sur Arte
Y a pas que Netflix dans la vie, y a Arte aussi !
Bonjour Tiphaine, bienvenue sur le Blog Ciné, ma thérapie, je te laisse te présenter ?
Oui donc moi c’est Tiphaine, j’ai 41 ans et je suis EJE (éducatrice de jeunes enfants) …
D’accord, merci d’avoir accepté cette interview. Donc nous sommes là pour parler de la série désormais culte « En thérapie », peux-tu nous dire comment tu l’as découvert ?
J’ai d’abord entendu parler de la série avant son démarrage, via les médias. Que ce soit à la télévision ou sur les journaux en ligne…
Tout le monde en parlait de façon généralement très positive !
Clairement, ça m’a donné envie d’aller voir.
D’autant que c’était sur Arte et je regarde souvent cette chaîne, je la trouve très intéressante… Et comme ma mère est allemande, je pense que tout bêtement, j’apprécie aussi de pouvoir regarder des programmes dans cette langue.
Ok et donc sinon tu étais adepte des séries ? Ce format te parlait ?
Oui, oui, j’aime les séries !
D’ailleurs, j’en regarde régulièrement sur Netflix.
Donc là, une série sur Arte, j’étais à la fois curieuse et confiante !
Mais c’est vrai, que je me disais que c’était gonflé de tourner en huit clos un scénario uniquement basée sur l’échange entre un psy et son patient !
« En thérapie » : succes story mérité
C’est vrai que c’est un sacré parti pris ! Je ne sais pas si tu sais, mais c’est une adaptation d’une version originale israélienne…
Et donc, par rapport aux avis que tu avais lu… ?
Oui j’ai lu que c’était une nouvelle version de « In treatment », l’adaptation américaine. Que je n’avais pas regardé à l’époque cela dit.
En tout cas, oui j’ai trouvé que les critiques positives étaient justifiées.
J’ai trouvé que la série était de grande qualité ! Les dialogues très bien écrits, et les acteurs vraiment très pros, crédibles !
Ok donc tu as été enthousiaste dès le début ? D’ailleurs, tu as vu tous les épisodes ou tu es en cours de visionnage ?
Eh bien, honnêtement, malgré le fait que je viens moi-même d’être très positive, je n’ai malgré tout pas tout regardé, j’ai saturé avant !
Camille : personnage unique et non en série…
Ah bon ? D’accord, peux-tu nous en dire davantage ?!
Eh bien, c’est-à-dire que j’ai préféré regarder à la suite les épisodes d’un seul et même patient.
Pour le coup, ça aussi c’est quelque chose que j’ai apprécié.
Je me doute, que dans l’idée ça aurait été peut-être « mieux » de jouer le jeu jusqu’au bout, et de suivre les épisodes dans l’ordre.
Mais, bref, c’est vrai qu’en l’occurrence j’ai davantage accroché avec le personnage de Camille. Donc je me suis plutôt concentrée sur ses séances…
Donc tu n’as pas regardé les autres patient-e-s ?
Si, enfin disons que j’ai regardé aussi 2 épisodes du policier qui m’ont d’ailleurs bien intéressée. Mais pas autant que Camille, donc j’ai préféré enchaîner tous les épisodes avec elle seulement.
Ok c’est vrai que c’est une possibilité offerte par cette série, c’est aussi ça qui la rend originale… Sinon, Camille donc, tu veux bien nous partager ce que tu as apprécié dans ce personnage, dans son histoire etc. ?
Concernant Camille, je crois que j’ai accroché tout de suite en fait..
Parce que « tout y était » franchement ! La qualité de cette jeune interprète, la justesse des dialogues… Cette actrice m’a bluffée, je ne sais même pas si elle est majeure…
Et je pense aussi que ça m’a renvoyé à ma propre adolescence… période plutôt tumultueuse dirons-nous !
Adolescence: nage en eaux troubles !
Oui, c’est sûr, période de transition, plus ou moins bien négociée… ! Qu’as-tu particulièrement retenu de son suivi, son cheminement… ?
Alors, de mémoire, j’ai vu 6 épisodes, enfin tous ceux avec elle en tout cas.
Pour te répondre, je dirais que j’ai retenu cette notion de « passage du gué » entre enfance et entrée dans l’âge adulte…
Ça m’a pas mal fait repenser à ma propre expérience comme je te disais…
Ce qu’on y gagne, ce qu’on y perd, ce qu’ on remet sur le tapis de non résolu du passé…
Et notamment des relations avec nos parents, ce fonctionnement un peu binaire aussi…
Fonctionnement un peu binaire, c’est-à-dire ?
Eh bien c’est-à-dire, un fonctionnement assez manichéen… Comme s’il y avait les « gentils » qu’on aime, les « méchants » qu’on déteste…
Et puis, cet idéalisme aussi, ce côté à fleur de peau, avec des grands-huit émotionnels…
Où ça monte très haut et où ça descend très bas et puis ça remonte etc. !
Du soi à l’écran…
Ça aussi, ça t’a ramenée à tes propres souvenirs, tes propres vécus ?
Oui sûrement…
Je me suis rappelée en tout cas, comment par moment, on a envie, besoin (ou pas) de faire d’autres choix que celui de se raconter des histoires…
De laisser des mécanismes de défense qu’on a mis en place pour se protéger, mais qui nous voilent la face…
C’est-à-dire ?
Eh bien c’est-à-dire quand par exemple elle répète « mon père et moi on est connectés ».
On dirait qu’elle cherche à s’en persuader elle-même…
Plus elle le redit, plus on sent qu’elle en perçoit les limites de cette « pseudo connexion »… Que ce n’est pas sain…
On voit qu’elle prend conscience peu à peu qu’au fond elle se raconte cette histoire plutôt parce que ça serait trop douloureux d’affronter la réalité d’un père absent et immature.
Parce que c’est clair que quand on le voit lui, on se demande qui est l’ado !
Adolescence : ça ne coule pas de (res)source !
Oui c’est sûr, qu’on comprend vite qu’elle ne pourra pas beaucoup s’appuyer sur lui pour grandir !
Oui voilà !
Et justement ça me fait penser aussi à d’autres problématiques de l’adolescence.
Comme par exemple, le besoin aussi de trouver des « espaces de sécurité », des moments où l’on peut se retrouver, s’autoriser à simplement être soi…
Je pense que l’eau, la natation pour Camille, ça lui offre ça… Comme un milieu protégé, apaisant… Où tout est « fluide » !
Peut-être aussi comme une « seconde peau », l’eau comme rempart contre les soucis qui l’attendent à la maison, au lycée etc.
Un retour aux origines aussi peut-être?!
Et puis des figures de substitution, comme son entraineur…
Dont on ne sait d’ailleurs pas très bien ce qu’il représente pour elle au final, un père, un petit-ami, un frère…
On la sent un peu perdue, et cet entraineur pas très « net » !
Camille en thérapie
Oui c’est vrai qu’on la sent se débattre aussi par rapport à cette relation…
Oui… En tout cas, le déroulé des épisodes m’a aussi beaucoup intéressée.
Ça montre bien son cheminement… Comment petit à petit elle lâche ses défenses…
Comment elle peut revisiter son histoire justement grâce à la relation établie avec Dayan…
Et à quel point ce travail psy la libère et la reconnecte à son « vrai soi ».
On la voit se réanimer en quelque sorte, reprendre le fil de sa vie… Et aussi reprendre la natation « différemment » je crois qu’elle part même à l’étranger non ?
Et puis la symbolique du plâtre aussi c’est fort. Arriver là les deux bras cassés… faut le faire quand même se casser les deux bras !
Donc symbolique de la voir sans ses plâtres à la fin… Un peu comme si elle avait déployé ses ailes… Pour quitter le nid, nager de ses propres mains en quelque sorte !
Reprendre sa vie en main… !
Typhaine en thérapie
Reprendre sa vie en main, oui c’est sûr ! Joli jeu de mots !
Tu ne me sembles en tout cas pas étrangère du milieu de la thérapie, de la psychologie ?
Oui, disons que de par mon travail, ma formation et puis mes lectures aussi à côté. On a dans l’équipe une supervision régulièrement et j’apprécie beaucoup la superviseure…
Elle est d’orientation psychanalytique et ça m’a donné l’envie de me renseigner un peu plus.
Elle est en tout cas assez différente d’Esther !
Disons qu’elle est peut-être plus « accessible »… Après, c’est une supervision collective, ce n’est pas des séances individuelles en cabinet…
Et puis j’ai moi-même fait un travail sur moi à vrai dire…
D’ailleurs, comme j’ai dit, personnellement ça a réactivé mes souvenirs d’ado, mes propres questionnements de l’époque…
Et je pense que je ne suis pas la seule à qui ça a fait cet effet !
« En thérapie » : cinéthérapie en série !
Oui bien sûr ! Je pense que c’est aussi la force du cinéma…
Qu’on puisse s’identifier aussi facilement vu comment on peut être « pris-e » dans le film, impliqué-e émotionnellement…
C’est une devise du blog d’ailleurs de rappeler que l’idée, c’est non pas d’être simplement spectateur et spectatrice devant l’écran, mais aussi acteurs et actrices…
Et justement, notamment, en se laissant être renvoyé-e à sa propre histoire, à ses propres histoires que l’on se raconte etc.
Tout à fait ! En tout cas, je trouve que cette série est une bonne illustration, parmi d’autres, des effets thérapeutiques du cinéma.
Et comme tu le disais, par identification aux différents personnages je pense que, oui, on peut cheminer aussi personnellement.
Et que ça peut donner l’envie d’aller plus loin avec un professionnel… ou pas hein d’ailleurs!
Oui, ce n’est pas un passage obligé pour tout le monde en effet !
On arrive à la fin de cette entrevue, merci beaucoup pour ton témoignage !
Je suis ravie de voir ce que cette série peut susciter comme réactions diverses et variées ! Et c’est vrai que je trouve que c’est une série particulièrement « cinémathérapeutique » !
De Dayan à Yoda : séances initiatiques
Enfin bref, aurais-tu l’envie de rajouter quelque chose avant de conclure ?
Je ne sais pas…
Si, peut-être quelque chose oui maintenant que j’y pense…
Bon, je suis aussi une fan de Star Wars en fait ! Aucun rapport tu me diras, mais c’est vrai qu’après avoir vu « En thérapie », j’ai repensé à Luke en fait…
J’ai trouvé que ce qu’on voyait de Camille avec Dayan pouvait rappeler par certains côtés le travail de Skywalker avec Yoda !
Ah ? Très intéressant, tu veux bien développer du coup ?
Oui bien sûr, même si je réfléchis aussi je pense en même temps que je le partage…
Disons que j’ai repensé à une scène en particulier.
Quand, à la fin de son initiation avec Yoda, Luke descend symboliquement dans les profondeurs de la terre, une sorte de grotte.
Il sent que c’est l’épreuve ultime en quelques sorte, mais n’a aucune idée de ce qui l’attend.
Or en fait, Dark Vador apparaît, comme sorti de nulle part, alors on voit Luke trancher sa tête d’un coup de sabre laser…
Et bien sûr quand il ouvre le casque, il voit son propre visage !
J’ai toujours trouvé cette scène très forte, très parlante…
Cette victoire sur ce qu’on redoute le plus et qui ce qui se révèle être une part de nous-même.
Surement notre part d’ombre…
Psycho à l’écran
Je me dis qu’on peut peut-être y voir une représentation d’un travail personnel de « descente dans les profondeurs de l’inconscient »…
Avec la peur que ça peut représenter, mais aussi la libération que ça peut générer.
En tout cas, puisque tu parlais de l’aspect potentiellement « thérapeutique » de cette série, pour moi, la Saga Star Wars, est « cinématherapeutique » aussi !
Une histoire qui met en scène des grandes figures métaphoriques, qui peuvent nous toucher chacun…
Oui je vois, en effet, Star Wars sacré classique ! Bon, merci encore à toi et au plaisir !
Merci à toi aussi, et bon courage pour ton défi !
Cet article s’inscrit dans le défi Objectif Mars
Je compte sur votre soutien durant ce défi 😉
Hâte de lire vos retours !
Et…
A demain cher-e-s spect’ACTEURS et spect’ACTRICES !